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Vit et travaille à Paris
TEXTE DE JEAN-FRANÇOIS DANON
"Charlotte Puertas : un secret bien gardé"
Choisir la récente aquarelle « Le secret » (2014) pour vous donner envie de découvrir le travail de Charlotte Puertas s’est imposé.
Intrigue du choix de la petite dimension , de l’aquarelle le plus souvent et de la gouache, de la transparence et du recouvrement, du choix de la série appartenant à des univers très différents – montagnes, bustes, défigurations ou au hasard des jours –
Intrigue entre le petit, la réduction et la force de l’expression comme si ce cadre imposé était choisi pour retenir l’explosion. Explosion des couleurs, désarticulation des compositions avec une femme qui pourrait perdre le lierre planté sur sa tête ou voir s’envoler sa perruque, une femme disparaître derrière la montagne, les trois volcans de la montagne se réveiller en même temps.
Le débordement était manifeste lors d’une récente exposition à Morlaix en 2015. La peinture sortait du cadre du tableau.
Intrigue pour le croisement de différentes pratiques : dessin, aquarelle, gouache, film d’animation, voix et plus récemment sculpture.
Mais où est-on avec Charlotte Puertas ?
A l’orée du bois, dans un conte de fées où l’ogre fait peur. Les fleurs sont souvent noires et venineuses ou encore sauvages, aigre doux. Les chats sont verts à double tête, les buridans à fleur et le loup n’est pas loin. On se retrouve en montagne, quelque fois rouge ou à cinq seins.
Qui vous regarde ? Des faces d’hommes ou des perroquets à face humaine ? Ou tout simplement l’esprit de la montagne ?
Qui entend-on ? La voix de Charlotte Puertas qui raconte des histoires. On traverse la ville. On court. Il fait nuit ; les manèges de la foire du Trône ne sont pas loin quand on se retrouve Place Saint Sulpice.
Un travail d’entrelacement de traits, de formes, de noir et de stries de couleurs ; un travail pour une Alice au pays des merveilles de 2016 qui aime pénétrer dans les bois, qui apprécie la compagnie d’amis étranges qui la prennent par la main pour parcourir les montagnes. Un travail qui cristallise les formes et les couleurs à l’exact moment qu’il ne faut ni anticiper ni dépasser. Un travail qui s’inscrit dans des références picturales gardées secrètes à ce stade.
Anne Dufourmantelle dans un livre intitulé « Défense du secret » paru en 2015 parcourt les différentes facettes du secret : « mon premier est un trésor, mon second est un poison, mon troisième est le propre des dieux… mon dixième est synonyme de liberté, mon treizième est garant de la vie » et aborde plus particulièrement le secret au regard de la puissance de la création. « Le secret est puissance » dit-elle. « C’est une force motrice dont on explique mal la créativité » poursuit-elle.
Il est grand temps que vous découvriez le travail de Charlotte Puertas.
Jean-François Danon, Décembre 2015
TEXTE DE LOUIS DOUCET
“Les fantômes de Charlotte Puertas”
Les photographes les désignent sous le nom d’images-fantômes, ces effets, voulus ou non, qui contaminent une image en y superposant une autre, généralement plus floue. Ils sont générés, le plus souvent, par des reflets lumineux latéraux accidentels sur le verre de l’objectif, lors de temps de pose prolongés. Certains photographes, cependant, les cultivent et les suscitent. Les œuvres de Charlotte Puertas, et plus singulièrement celles sur papier, sont peuplées de tels fantômes.
Dans sa série des Parrots, par exemple, un visage humain apparaît dans le corps de l’oiseau. Ailleurs, la forme d’une chouette arrachée à un collage de Max Ernst émerge d’une grappe de raisins, une silhouette voilée du corps d’une montagne, une chimère d’une lucarne éclairée ou encore, dans un onirisme proche de celui d’Odilon Redon, un monstre débonnaire, roux, doté d’un seul œil, derrière une tête endormie, sans bouche, près d’une couronne jetée au sol.
Rien, cependant, dans cet exercice, qui puisse l’apparenter à un jeu, comme ceux que l’on propose aux enfants quand il s’agit de retrouver, par exemple, des animaux cachés dans un dessin à l’apparence banal. Pas plus qu’aux tests de Rorschach.
La pratique de superpositions et de métamorphoses d’images s’enracine dans l’expérience vidéographique de Charlotte Puertas.
Ses très brèves vidéos, produites à partir de dessins ani¬més, en recourant à l’ancienne méthode des cal¬ques successifs, en témoignent : La passoire, Le temps, et Maison, 2006, La trouée, L’acrobate, Mon désespoir est rangé dans une boîte et Souffle, 2009… Leur efficacité visuelle s’appuie, bien entendu, sur le principe de la persistance de l’image rétinienne, mais aussi sur le souvenir des aspects successifs que prennent les formes qui se modifient rapidement sous nos yeux : l’amaryllis qui pousse, fleurit, se mue en tête humaine, puis en crâne avant de s’évanouir dans le néant ; le désespoir représenté par une figure tentaculaire noire, qui se transforme en une sorte de tache d’encre suintante, puis en boule compacte, avant de retrouver, sous la forme d’un ectoplasme, sa caisse d’origine … Le tout, chaque fois, en moins de vingt secondes.
Dans ses œuvres graphiques sur papier, les images ne se suivent pas dans le temps, mais se superposent sur la feuille, sans qu’il soit toujours possible de déterminer quelle est l’image principale et quels sont les fantômes qui la contaminent. Il s’y développe un incessant phénomène de dissolution de la figure, de métamorphoses, démultipliées en abîme, donnant naissance à des images-fantômes superposées, à l’instar du processus mémoriel ou du rêve.
On dirait que les personnages se désincarnent, se retranchent dans leur propre ombre, créant une ambiguïté qui provoque la remontée d’autres images, surgies du rêve, de l’inconscient. Ces images sont foisonnantes, intrusives, inquiétantes ou drôles, toujours fascinantes, parfois pétrifiantes comme le regard de la Gorgone. Elles élargissent la vision de la figure en une réflexion qui peut prendre des dimensions cosmiques ou, à l’opposé, réveiller des souvenirs, des rêves, des représentations intimes. Elles appartiennent alors tout autant à l’artiste qu’à l’observateur, alimentant une sorte de promenade mentale dans les reliques d’un monde hybride, mélange de réalité, de rêve et de fantasme, dont on ne peut déterminer ni la distance ni l’appartenance.
Les fantômes de Charlotte Puertas le sont aussi au sens que la scolastique médiévale donnait à ce terme : images produites dans le cerveau par l’impression des objets extérieurs. L’artiste nous livre, sur le papier, les dessins floutés d’objets arrachés à son histoire personnelle, à son intimité. Ce sont les fantômes de son passé, nostalgique et attendrissant, comme en témoigne sa vidéo autobiographique La vie dangereuse, mai 2010.
Devenus images, le spectateur s’en empare à son tour, les intègre et les transforme en nouveaux fantômes dérivant, ceux-ci, de sa propre expérience. Cette mise en abîme devient arborescente, luxuriante, envahissante, avec autant de nouvelles branches que de conditions d’observations. Les images de l’artiste se greffent sur celles du spectateur, se métissent pour créer des monstres, dans le sens primitif de ce mot : choses qui s’écartent des normes habituelles. On pense, au Cauchemar de Füssli, mais aussi à cette réversibilité du regard que Baudelaire évoque quand les forêts de symboles observent l’observateur.
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Le processus est celui d’une introspection, d’une plongée vertigineuse dans l’intime, qui, comme un cyclone, entraîne, dans son tourbillon, simultanément l’artiste et le regardeur.
Mais peut-être faut-il voir aussi, dans ces manifestations, comme un cri de détresse, de protestation désespérée contre la solitude, contre cette part impénétrable de notre individualité qui résiste à toute tentative d’extériorisation. Un désir de fiancer les rêves, comme Bachelard l’écrit avec tant de pertinence : « dans la solitude nocturne, vous voyez passer les mêmes fantômes. Comme la nuit s’agrandit quand les rêves se fiancent. »
Quand il n’y a plus de fantômes à partager, il ne reste que la désespérance et la solitude… Sans rêve…
Charlotte Puertas, elle, agrandit notre nuit, notre vie… Nous la remercions pour cette grâce, même si elle nous entraîne dans une tornade impétueuse dont on ne sort jamais complètement indemne…
Louis Doucet, mars 2013
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